Bio(graphie)
En d’autres petits chiffres pour 2023 de l’Agence Bio : 14,4% des fermes nationales produisent du bio pour 10,4% de la surface agricole française. L’apparition d’une mouvance « bio » dans les années 1920 vient d’une première remise en cause des déviances de l’agriculture moderne, suivant la révolution industrielle productiviste des pays modernisés, l’utilisation d’engrais chimiques (apparus dès la fin de la Première Guerre mondiale), la prédominance des intérêts financiers et commerciaux dans les exploitations agricoles. Portée par divers courants de penseurs spirituels (Steiner) mais aussi de réflexions d’agronomes (Lemaire), de botanistes (Howard), d’agriculteurs (Fukuoka), ou même de médecins (Rusch), biologistes (Carson), elle remet en cause l’industrialisation d’une agriculture à la base d’une société traditionnelle (paysannerie et respect des cycles naturels de la Terre). Une nouvelle vague, portée par d’autres changements sociaux déferle sur la société des années 70 : conséquences des chocs pétroliers annonçant la finitude de nos ressources naturelles, une résistance à la société consumériste s’organise de manière plus structurée. Une première, la démonstration du mode d’agriculture biologique est présente au Salon de l’Agriculture de 1970. Elle sera légalement prise en compte dans le cadre de la loi d’orientation agricole de juillet 1980 et homologuée cinq ans plus tard (apparition du logo AB et de valorisation auprès des consommateurs). D’autres structures apparaîtront comme les Biocoop ainsi que le label Ecocert pour la seule année 1986.Au bon vin point d’enseigne…
Aujourd’hui, le discours des instances supranationales qui ont acté la nécessité de revenir à agriculture biologique n’engendre dans les faits aucun axe clair. Au niveau de leur consommation bio, les Français ont du mettre de l’eau dans leur vin. Selon l’Observatoire Société & Consommation (ObSoCo) qui les a interrogés sur leur perception de la consommation bio (mai 2024), la multiplication des labels et des argumentaires de vente peut faire perdre à la cause son impact, voire sa crédibilité. Dans notre contexte d’inflation alimentaire, lassitude et lâcher-prise peuvent gagner le consommateur bio face aux objectifs rendus utopiques dans l’inconscient collectif, et cette crise tend à effacer les bénéfices du bio, qu’ils soient gustatif, sanitaire, environnemental ou sociétal. L’absence de démocratisation de ce mode de vie au fil de son histoire a provoqué un clivage qui semble plus prononcé au sein de la population citadine (les circuits courts sont facilités dans les villages) et continue de véhiculer le stéréotype d’un consommateur éloigné des préoccupations pécuniaires. Le militantisme du « bon » consommateur s’est quant à lui déplacé vers la consommation de produits locaux, dont la portée semble plus réalisable… De ces enquêtes, nous concluons que la nouvelle révolution du bio (jamais 2 sans 3 !) doit se faire main dans la main avec celle de la consommation de produits locaux dont les promesses (aux yeux des consommateurs interrogés) demeurent plus tangibles, plus engageantes. Nous apprenons également que le réflexe bio s’est tout de même conservé dans les habitudes alimentaires pour les produits de niche, rares ou exotiques : superaliments, graines de chia, kombucha, tofu. Solibio ne peut qu’encourager à étendre ce réflexe, comme le font les politiques à échelle locale et soutenir leurs efforts pour rendre le bio accessible dans les cantines et restaurants d’entreprise.M. D.